Message n°20:
Le
traitement ultra-conservateur des taches de l’émail : le protocole détaillé quelque soit
l’étiologie
Cela fait maintenant près de 6 ans que je travaille avec mon
ami le Dr Gil Tirlet (1) sur le traitement ultraconservateur
des taches blanches de l’émail, grâce au nouveau procédé
d’érosion/infiltration. C’est un travail d’équipe car nous avons été rejoints
par de brillants et jeunes praticiens, je pense notamment au Dr Maud Denis pour
son apport pointu sur l’anatomie physiologie des taches (2), au Dr Anthony Atlan
pour son talent pédagogique et aux scientifiques, je pense au Dr Elsa Vennat, excellente
spécialiste des milieux poreux à Centrale-Supélec (3). Nous avons beaucoup
d’excellents résultats cliniques avec ce produit, et les nombreuses
publications, de notre équipe, ou d’autres en France ou dans le monde en
témoignent(4)(5).
Pourtant je reçois souvent des messages de praticiens déçus
du résultat obtenus en appliquant, pourtant à la lettre, le mode d’emploi du
fabricant. C’est pourquoi je propose ici un mode d’emploi qui fonctionne et ce,
quelque soit l’étiologie des taches. Excusez moi de l’aspect très technique de
certains passages.
La figure présente l’algorithme
de traitement que le praticien peut suivre pour avoir les meilleures
chances de succès. Une publication prochaine dans la presse scientifique
odontologique permettra un meilleur accès visuel à cet algorithme. Je souhaite
insister ici sur 6 points, visibles
sur cet algorithme.
1) Tout d’abord, que ce soit
en cas de tache blanche ou colorée, l’éclaircissement préalable est souvent
nécessaire. Si la tache est blanche, il permet de diminuer le contraste entre
le reste de la dent et la tache. Si la tache est colorée, il permet d’augmenter
la luminosité de la partie colorée de la tache. Dans les 2 cas, le résultat est
toujours meilleur après éclaircissement qu’avant. Lorsque l’attente esthétique
est modérée, la tache peut sembler suffisamment masquée pour le patient et le traitement de la tache s’arrête là
(suivre les flèches à droite de l’algorithme). Cela correspond à environ 25% des cas dans mon exercice
privé. L’aspect ultra-préservateur de cette thérapeutique est ici bien caractérisé
(pas un coup de fraise, ni aucune perte de substance, même minime). Les seuls
cas où on ne préconisera pas l’éclaircissement sont :
-
les
cas où les dents sont déjà très lumineuses et les taches très opaques.
-
les
cas où le patient est trop jeune, même si on se dirige vers une modification de
la directive européenne qui interdisait l’éclaircissement sur les patients de
moins de 18 ans (6) . Dans mon exercice, je
n’ai jamais réalisé d’éclaircissement avant l’âge de 10 ans, mais le plus
souvent c’est à partir de 12-13 ans que le besoin esthétique se fait sentir
chez l’enfant.
Dans tous les cas où
l’éclaircissement préalable n’est pas fait, nous allons réaliser une érosion
(systématique) et une infiltration (dans presque tous les cas, voir plus loin).
2)
Avant
de débuter le protocole complet, et avant de mettre en place un champ
opératoire, il faut immédiatement choisir la couleur du composite qui sera
nécessaire en fin de traitement en cas d’érosion (avec ou sans fraisage ou
sablage) avec une concavité visible. Le mieux, encore plus facile qu’avec le
teintier, est de positionner une toute petite portion de composite sur la dent.
C’est pourquoi vous pouvez lire « prise de teinte » en haut de
l’algorithme, et ce, avant même toute érosion.
3)
Si
vous avez un peu d’expertise de la technique, et surtout si vous maîtrisez bien
le diagnostic de ces lésions, vous savez, notamment en cas de MIH, que la
lésion est profonde et qu’une infiltration en profondeur est indispensable. Il
sera possible de commencer le protocole immédiatement par un sablage ou un
fraisage (parcours expert de l’algorithme).
Il faudra prévenir le patient, dès la première consultation, que nous consentirons une toute petite mutilation intra-amélaire (0,5 mm au maximum dans des zones où l’émail possède une épaisseur de l’ordre de 1,5 mm) afin de réaliser une infiltration en profondeur. On peut rassurer le patient inquiet car en aucun cas cette mutilation ne fragilise la dent sur le plan biomécanique car toutes les structures anatomiques de la dent sont conservées. On évitera, à cet égard, d’éliminer de la substance amélaire au niveau des bords libres. Cette élimination minime de tissu se fera toujours sans anesthésie, même en cas d’hypominéralisation sévère. Enfin je voudrais signaler qu’au cours des cycles d’élimination de l’émail en profondeur, cette élimination ne se fait jamais sur toute la surface de la lésion mais uniquement sur les zones qui n’auront pas été modifiées par le séchage alcoolique. Ce sablage/fraisage est donc très sélectif (sauf lors du premier fraisage).
Il faudra prévenir le patient, dès la première consultation, que nous consentirons une toute petite mutilation intra-amélaire (0,5 mm au maximum dans des zones où l’émail possède une épaisseur de l’ordre de 1,5 mm) afin de réaliser une infiltration en profondeur. On peut rassurer le patient inquiet car en aucun cas cette mutilation ne fragilise la dent sur le plan biomécanique car toutes les structures anatomiques de la dent sont conservées. On évitera, à cet égard, d’éliminer de la substance amélaire au niveau des bords libres. Cette élimination minime de tissu se fera toujours sans anesthésie, même en cas d’hypominéralisation sévère. Enfin je voudrais signaler qu’au cours des cycles d’élimination de l’émail en profondeur, cette élimination ne se fait jamais sur toute la surface de la lésion mais uniquement sur les zones qui n’auront pas été modifiées par le séchage alcoolique. Ce sablage/fraisage est donc très sélectif (sauf lors du premier fraisage).
4)
Il
arrive qu’après éclaircissement puis érosion, l’ensemble des taches présentes
disparaissent totalement. Et dans ce cas il n’est pas nécessaire d’infiltrer si
la concavité, inévitable générée par l’érosion (encore plus si on a sablé ou
fraisé), n’est pas visible (situation décrite en bas à droite de l’algorithme).
Dans ce cas on a réalisé une … microabrasion
contrôlée avec ou sans améloplastie. Cette séquence montre bien que ce qui
fonctionnait bien auparavant avec la microabrasion contrôlée est accessible par ces traitements modernes.
5)
Il
reste souvent, même après éclaircissement, des zones colorées au sein de la
tache. Dans ces cas 2 solutions s’offrent à nous :
1ère solution : au cours du traitement,
qu’il s’agisse d’une infiltration superficielle ou en profondeur, et après le
passage de la solution d’HCl, l’application d’hypochlorite de sodium à 5%,
déprotéïnisant, permet, par élimination des molécules colorées d’augmenter la
luminosité de la lésion hypominéralisée (7). Cette technique est un
peu fastidieuse. En effet on recommence le cycle HCl/HClONa autant de fois que
nécessaire (partie gauche et rose de l’algorithme). Cela fonctionne parfois
assez bien mais il faut que les colorants soient superficiels. Mais dans les
cas où le résultat n’est pas bon, il faut se résoudre à la 2ème
solution.
2ème solution :
la
coloration qui n’aura pas pu être éliminée par l’éclaircissement et/ou HClONa sera masquée par le composite en
cas d’infiltration en profondeur. Noter en préalable que dans ces cas la
coloration a tendance à augmenter après passage de l’alcool et après
infiltration, par effet loupe. Il m’est même arrivé 2 ou 3 fois (ce sont les
cas où le sablage/fraisage ont été peu profonds et où le masquage par
stratification devient impossible) de décider finalement de ne pas infiltrer la
lésion avec la résine d’infiltration et d’utiliser un adhésif chargé
quelconque, beaucoup moins translucide. J’ai gagné en esthétique mais je n’ai
pas renforcé mécaniquement la lésion hypominéralisée.
Il
faudra distinguer 3 cas :
a) la tache reste très
colorée :
l’application d’un composite opaque est indispensable. La difficulté réside
dans la faible épaisseur à notre disposition. Il faudra appliquer un composite
peu visqueux (éviter de le sortir du réfrigérateur juste avant) que l’on étalera
en faible couche (autour de 0,2 ou 0, 3 mm) au pinceau, mais ce, uniquement sur
les zones colorées de la surface de la tache. A ce stade il est très difficile
de se rendre compte si le masquage est suffisant. Je conseille de prendre une
photo et de regarder sur l’écran de contrôle de son appareil photo, puis de
rajouter le composite opaque au niveau des zones laissant apparaître un reliquat
de coloration. Puis on finit par un composite, idéalement « masse body »
de translucidité intermédiaire entre les masses dentine opaques et les masses
émail trop translucides. Souvent je décide de ne pas mettre d’émail.
b) la tache reste peu
colorée :
Un
simple composite body en général permet d’obtenir un bon résultat. Ne pas
mettre d’émail sinon on verrait la légère coloration sous jacente.
c) la tache est blanche
translucide : ici
un composite émail fera le plus souvent l’affaire
6) Enfin 2 mots sur le
polissage, et plutôt sur les finitions. Lorsque la visibilité de la coloration
transparaît malgré toutes les précautions précédentes, ne pas hésiter à
sur-caractériser la microgéographie de surface. En effet après polissage, ce relief
entraîne une réflexion des photons lumineux sur la surface de la dent et par
effet optique, un masquage supplémentaire est obtenu.
Voilà
pour ce long post, je vous souhaite d’excellents masquages !
Références
bibliographiques :
1. Tirlet G, Attal J-P.
L’érosion/Infiltration: une nouvelle thérapeutique pour masquer les taches
blanches. Inf Dent. 2011;(4):2‑7.
2.
Denis M, Atlan A, Vennat E, Tirlet
G, Attal J-P. White defects on enamel: diagnosis and anatomopathology: two
essential factors for proper treatment (part 1). Int Orthod Collège Eur Orthod.
juin 2013;11(2):139‑65.
3.
Vennat E, Denis M, David B, Attal
J-P. A natural biomimetic porous medium mimicking hypomineralized enamel. Dent
Mater Off Publ Acad Dent Mater. 3 janv 2015;
4.
PubMed entry [Internet]. [cité 21
août 2014]. Disponible sur: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25126675
5.
Greenwall L. White lesion
eradication using resin infiltration. [cité 1 déc 2013]; Disponible sur:
http://www.moderndentistrymedia.com/july_aug2013/greenwall.pdf
6.
Rolland Lherron. Le point sur les
blanchiments [Internet]. [cité 8 août 2015]. Disponible sur: http://www.cnsd.fr/actualite/news/1294-le-point-sur-les-blanchiments
7.
Belkhir MS, Douki N. An new
concept for removal of dental fluorosis stains. J Endod. juin 1991;17(6):288‑92.