Je suis surpris que les praticiens
français réalisent si peu d’éclaircissements dentaires sur leurs patients.
Pourtant la technique d’éclaircissement ambulatoire avec port nocturne des
gouttières proposée par Haywood (1) est très largement documentée et reconnue
par la communauté internationale comme étant fiable et sécure (2). Il y a bien entendu la demande forte et bien
documentée de nos patients pour les « dents plus blanches » (3) qui justifierait à elle seule de nombreux
traitements. Mais sur un plan plus médical, il est difficile de se passer
d’éclaircissement avant la réalisation de soins conservateurs ou de prothèse
dans le secteur antérieur. C’est aussi, et encore davantage le cas, pour les
traitements des dyschromies dentaires très nombreuses liées aux
hypominéralisations (fluoroses, MIH, traumas…etc)(4).
Je pense qu’une des raisons
du faible nombre d’éclaircissements en France réside dans la crainte des
sensibilités (le plus souvent aux variations de températures) que le traitement
procure fréquemment (5), pouvant toucher jusqu’à 50% des patients
(6). Et
ce, même s’il existe toute une série de précautions à prendre pour les limiter.
On peut par exemple conseiller au patient de se brosser les dents 15 jours
avant le début de l’éclaircissement avec un dentifrice contenant du nitrate de
potassium (7).
Il existe pourtant une solution très
simple, de bon sens, qui permet d’éviter les sensibilités dans la quasi-totalité
des cas.
Il est connu qu’une heure de port
des gouttières d’éclaircissement avec du peroxyde carbamide à 10% (PC 10%) suffit
à obtenir presque le même résultat que 8 heures (8). Par
ailleurs dans la même étude, les auteurs montrent ce que nous savions déjà, à
savoir que les sensibilités dépendent du temps de contact entre le produit
d’éclaircissement et les dents. Les patients n’ont que très, très rarement des
sensibilités après 1 heure de port des gouttières contenant du PC 10% ( ne pas
hésiter à sélectionner une formulation de PC 10% qui contient aussi du nitrate
de potassium).
Ainsi comme chaque patient se
comporte différemment vis à vis des sensibilités et qu’il n’existe aucun signe prédictible permettant de les anticiper, plutôt que de conseiller un port
nocturne immédiat des gouttières dès le premier soir, il est recommandé de laisser
le patient choisir son temps personnalisé de port de gouttière en lui faisant les recommandations
suivantes :
« Portez
les gouttières 1 heure le premier soir. Puis si aucune sensibilité n’apparaît,
passez à 2 heures le 2ème soir. Augmenter progressivement jusqu’à 3
heures le soir, voire toute la nuit si vous les supportez. A tout moment si des
sensibilités apparaissent repassez à la durée qui ne vous procurait aucune
douleur ».
Ainsi un patient qui ressent des
sensibilités au bout de 2 heures de port, repassera le sur-lendemain (car on conseille
l’arrêt d’une journée dans ce cas) à une durée d’une heure qu’il supportera
bien tout au long du traitement.
Voyons maintenant ce qu’il advient pour les
2 cas possibles, le patient susceptible d’avoir des sensibilités (près
de 50% des cas) et celui qui ne l’est pas.
Le patient susceptible d’avoir des
sensibilités s’arrêtera rapidement à un port personnalisé de 2 ou 3 heures
d’application voire pour certains 1 heure, mais ne subira pas la forte
douleur initiale qu’il aurait pu avoir si le dentiste avait donné le conseil habituel
de réaliser le traitement la nuit dès le premier soir.
Le patient qui n’aurait pas eu de sensibilités en portant
les gouttières toute la nuit dès le premier soir atteindra facilement ce temps
d’application en 3 ou 4 jours. Le temps perdu est insignifiant sur la durée du
traitement.
Mes quelques années de recul avec cette
technique montrent que la majorité des patients portent les gouttières entre 2h
et 3h avec aucune sensibilité. Seul environ un quart des patients les porte la
nuit. Bien entendu un port de gouttière d’une heure s’accompagnera le plus
souvent d‘un temps de traitement légèrement supérieur (autour d’une semaine).
J’espère que ce conseil de bon sens par rapport à la procédure décrite dans la littérature, aidera les praticiens à
moins craindre les sensibilités liées au traitement et donnera un confort
maximal aux patients qui suivront ces recommandations.
Références bibliographiques
1. Haywood
VB, Sword RJ. Tooth bleaching questions answered. Br Dent J. 2017 Sep
8;223(5):369–80.
2. Li Y, Greenwall L. Safety issues of tooth
whitening using peroxide-based materials. Br Dent J. 2013 Jul;215(1):29–34.
3. Carey CM. Tooth Whitening: What We Now Know. J
Evid Based Dent Pract. 2014 Jun;14:70–6.
4. Attal J-P, Atlan A, Denis M, Vennat E, Tirlet
G. White spots on enamel: Treatment protocol by superficial or deep
infiltration (part 2). Int Orthod Coll Eur Orthod. 2014 Feb 3;
5. de Almeida LCAG, Costa CAS, Riehl H, dos
Santos PH, Sundfeld RH, Briso ALF. Occurrence of sensitivity during at-home and
in-office tooth bleaching therapies with or without use of light sources. Acta
Odontológica Latinoam AOL. 2012;25(1):3–8.
6. Leonard RH, Haywood VB, Phillips C. Risk
factors for developing tooth sensitivity and gingival irritation associated
with nightguard vital bleaching. Quintessence Int Berl Ger 1985. 1997
Aug;28(8):527–34.
7. Haywood VB. Treating sensitivity during tooth
whitening. Compend Contin Educ Dent Jamesburg NJ 1995. 2005 Sep;26(9 Suppl
3):11–20.
8. Cardoso PC, Reis A, Loguercio A, Vieira LCC,
Baratieri LN. Clinical effectiveness and tooth sensitivity associated with
different bleaching times for a 10 percent carbamide peroxide gel. J Am Dent
Assoc 1939. 2010 Oct;141(10):1213–20.