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Message n° 15 : Perception de la beauté de son propre visage


« Beauty is in the eye of the beholder »

Il doit vous arriver d’être parfois un peu surpris de la perception esthétique qu’ont les patients de leur visage ou d’un élément de leur visage. Nous sommes, en tant que chirurgien dentiste, assez peu formés à interpréter les jugements de nos patients.

Cet article de Springer et al, qui va bientôt être publié dans le Journal of Craniofacial Surgery* peut contribuer à améliorer notre connaissance sur le sujet.

Matériel et méthode
Dans cette étude 4 photos ont été prises sur 141 sujets (85 femmes et 56 hommes) de 19 à 30 ans.
-       1 photo de face, expression sérieuse, regard vers l’appareil photo
-       1 photo de face, avec un sourire dento-labial, regard vers l’appareil photo
-       1 photo de face, en sourire spontané, regard vers l’appareil photo
-       1 vue latérale, expression sérieuse, regard en dehors de la caméra
Après avoir vérifié que ces patients représentaient assez bien la population générale en terme d’estime de soi (The Adjective Mood Scale), les auteurs leur demandaient de noter, grâce à une échelle visuelle analogique, plusieurs choses (le visage globalement, les dents, le nez, les yeux, la bouche, les oreilles, le menton, les joues).
Puis on posait les mêmes questions à des sujets indépendants (50 juges, 33 femmes et 17 hommes de 17 à 66 ans).

Résultats
L’autoévaluation était mieux notée que l’évaluation indépendante. Les femmes jugeaient correctement (comme les juges) leurs dents, leur nez et leur joue.

Ce résultat est vraiment intéressant car c’est la première fois dans la littérature, à ma connaissance (et à celle des auteurs), qu’on met en évidence ces différences de perceptions.

Concernant la demande esthétique de nos patients, j’y apporterai les commentaires suivants : 
-       Cela confirme ce que nous pressentons dans notre exercice clinique, à savoir que les femmes présentent des demandes assez précises concernant leur perception de leur apparence dentaire.
-       Il serait intéressant de corréler ces résultats au statut social et à la réussite financière des sujets. Et aussi à l’estime de soi, à la confiance en soi et à la croyance en l’auto-efficacité (la capacité de réussir une tâche donnée).
-       Le fait que la beauté soit, plus que tout, une perception du spectateur, doit
1) nous faire prendre avec des pincettes les fameux critères esthétiques. Cela confirme ce que je dis souvent : « Il faut apprendre les critères esthétiques pour mieux s’en détacher »
2) nous inciter à être prudent lorsque nous percevons, nous praticiens, des dysharmonies faciales. Ne risquons nous pas de créer un besoin « inutile » chez le patient ? En tenant compte de ça, dans un prochain message, j’expliquerai comment je décide de conseiller un éclaircissement au patient non demandeur à priori.
-       Enfin si en moyenne la perception esthétique des patients est plus favorable que la nôtre, méfions nous d’autant plus lorsque le patient trouve majeur un défaut que nous considérons mineur.

Bravo à ces auteurs car ce genre d’étude contribue à mieux connaître cet inconnu, notre patient…


* Springer IN, et al., Mirror, mirror on the wall.: Self-perception of facial beauty versus judgement by others. Journal of Cranio-Maxillo-Facial Surgery (2012), doi:10.1016/j.jcms.2012.02.007

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